Comment es-tu devenue créatrice ? Quel est ton parcours ?
Je viens de trois univers, l’immersion vintage avec focus sur les années 1930s à 1950s, les milieux musicaux alternatifs du punk au rockabilly, et enfin les archives cinématographiques.
Depuis une trentaine d’années je gère des collections d’archives filmées essentiellement en provenance des USA et de Russie, que je mets sous forme d’extraits à disposition des productions de films documentaires, long-métrages, etc.
Comme une agence photos mais pour du film. Cela reste mon activité salariée, mon activité principale en journée et en semaine.
Il y a six ans, en 2017, j’ai fait l’expérience d’un parcours médical un peu costaud, du type chimiothérapie radiothérapie. J’ai ressenti alors la nécessité impérieuse de limiter mes heures de travail sur écrans et de me réserver du temps pour une activité manuelle.
J’étais entourée de vêtements, d’objets vintage. Mais également de quelques tissus que je m’étais autorisée à chiner – auparavant j’évitais, j’avais peur d’accumuler sans frein. Je suis du genre collectionneuse.
J’ai donc pris les quelques tissus que j’avais alors sous la main, et les premiers Cabas de la Grande sont nés en août 2017.
Les premières années j’ai évolué grâce aux amis, puis aux amis d’amis, etc. ….
J’y ai consacré de plus en plus de mon temps libre, et j’ai acheté beaucoup de tissus. En en février 2020 j’ai officialisé la création des Cabas de la Grande. A la veille du premier confinement !
Je n’ai donc réellement commencé à présenter mon travail sur les marchés de créateurs et en boutiques qu’au printemps 2022. Tout récemment.
Comment te définis-tu en tant qu’artiste ? Parle-nous de ton univers ?
Je suis fascinée et émerveillée par la qualité de dessin et l’inventivité des imprimés des tissus d’ameublement produits en France pendant les trente glorieuses, les années 1940s à 1960s – mais les années 1920-1930s ne sont pas mal non plus. Les éditeurs textiles faisaient appel à de véritables artistes. Le choix des couleurs notamment est très subtil, et même les motifs floraux plus classiques font preuve d’une grande richesse et dans le trait et dans les accords entre les teintes. Ce sont pour moi de vrais tableaux.
Evidemment les motifs étaient répétés sur toute la longueur du tissu, ce qui donnait un aspect très décoratif, voire trop chargé dans leur utilisation initiale, en tentures, rideaux ou couvre-lits. C’est pourquoi j’ai choisi d’en faire des accessoires à porter, pour sortir ces tissus de leur vocation première en ameublement, et surtout pouvoir isoler le dessin et mettre en lumière toute sa singularité.
Tu peux nous en dire davantage sur tes matières de prédilection et tes techniques de travail ?
Je me limite aux années 1930s à fin 1960s début 1970s. Je n’utilise que des tissus d’ameublement vintage en coton ou en lin pour la partie verso.
Ces tissus de collection réellement anciens sont le fruit d’une véritable chasse aux trésors, dans les brocantes, sur les vide-greniers, les marchés aux puces, et auprès de tout un réseau de professionnels du vintage.
La chance permet parfois d’acquérir et de travailler des coupons neufs d’époque, chutes d’ateliers ou invendus de boutiques miraculeusement conservés. Mais la plupart du temps ce sont d’anciens rideaux, ou de couvre-lits, qu’il s’agit de découdre soigneusement pour ne rien gaspiller. Les bords marqués par les précédentes découpes permettent de faire les revers de couture. Et les chutes finissent en pochettes, accessoirisées de boutons vintage également collectionnés avec amour !
Au verso, en doublure, j’emploie des cotons contemporains provenant essentiellement des coupons de déstockage du marché Saint-Pierre à Montmartre.
De l’idée à la réalisation, tu nous expliques ton processus de création ?
La première étape est une chasse aux trésors, puisque les tissus utilisés sont tous anciens et chinés sur les brocantes et marchés aux puces, ou sur internet.
La seconde étape est un travail de nettoyage, d’identification des traces d’usure éventuelles, et de lent décousage, car je prends grand soin de ne pas gaspiller ces précieux tissus.
Vient ensuite le choix de la forme, en fonction des motifs, et surtout le mariage des imprimés, entre le tissu vintage qui compose l’élément principal, et sa doublure. Je ne réalise le sac ou la pochette que lorsque j’ai trouvé l’accord parfait, c’est pourquoi j’ai besoin d’avoir un stock important sous la main, et c’est pourquoi aussi j’ai beaucoup de tissus en attente !
Les dernières étapes sont bien sûr la coupe et la couture. Les finitions sont toujours faites en coutures anglaises, de telle sorte que les deux épaisseurs de toile recto et verso sont solidaires et forment une seule pièce de tissu, réellement biface. Ce qui augmente la résistance mais aussi la tenue, notamment après lavage.
Les sacs sont vraiment réversibles, d’un seul geste. Bien entendu cette conception m’oblige à calibrer et à tendre parfaitement les deux épaisseurs, et à assembler le sac de manière un peu plus complexe – mais beaucoup plus solide – que l’habituelle combinaison avec doublure intérieure libre.
Afin de garantir une excellente tenue et une longévité maximale, je fabrique principalement les anses des sacs avec les mêmes tissus que ceux utilisés pour le corps du sac.
Pour fixer chaque anse au corps du sac, je réalise 3 coutures intérieures (dont un croisillon) et 1 surpiqûre. De plus, chaque anse nécessite 3 coutures intérieures et 4 surpiqûres pour garantir une solidité optimale
Réaliser des sacs à l’aspect épuré pour mettre en valeur les imprimés, tout en étant solides, durables, lavables et fiables à l’usage, est très important pour moi.
Quelles sont tes principales sources d’inspiration ?
Chaque nouveau tissu chiné est une source d’inspiration nouvelle !
Parle-nous de tes projets à venir ?
Continuer, développer. J’ai maintenant réuni une telle collection de tissus anciens et rares qu’il est inenvisageable que je puisse m’arrêter un jour !!
Je prévois d’organiser une tissuthèque, d’approfondir mes recherches sur l’origine de mes tissus et, éventuellement, d’éditer un catalogue ou un livre lorsque mes journées seront moins chargées en parallèle.
Qu’est-ce qui fait la particularité de tes créations ?
Elles sont réellement uniques, de par la rareté des tissus vintage que j’emploie, du fait des associations d’imprimés que je propose entre le recto et le verso, et grâce au soin que j’apporte aux finitions et aux détails. Y compris à ceux qui ne se voient pas.
Quel objet insolite pourrait-on trouver dans ton atelier ?
Mon appartement parisien fait à la fois bureau et atelier, donc on peut dire que tout y est insolite …
Petit défi: « 3 mots pour décrire ou définir vos créations ?
Coloré, audacieux, rare.