Lidac, une créatrice compteuse d’histoire

Comment es-tu devenue créatrice ? Quel est ton parcours ?

Cela s’est fait un peu par hasard en fait. Du plus loin que je me souvienne, la création a toujours fait partie de ma vie, ma mère faisait de la peinture sur soie et de l’aquarelle, mon beau-père des tableaux de miniatures et mon père des maquettes de rail modélisme. Moi à 8 ans, je cassais les pieds à ma mère pour avoir des cartons et j’en faisais des cabanes ou des voitures. Je dessinais, j’écrivais des histoires, je me fabriquais des poupées géantes avec des draps et j’en passe. À l’âge adulte, j’ai arrêté, mais dès que l’occasion se présentait, que ce soit mon mariage, la naissance de mes enfants ou les invitations diverses, je prenais un immense plaisir à faire moi-même toute la carterie. Bref, j’avais besoin d’une excuse pour créer. Alors je m’en suis crée une ! J’ai inscrit sur ma « bucket list » : Faire un marché de Noël. Et puis un jour, j’ai pris mon courage à deux mains, un peu comme un coup de folie, j’ai appelé l’office de tourisme de Tournus, (une ville pas très loin de chez moi) pour m’inscrire à leur marché de Noël (qui attirent tout de même entre 3000 et 4000 visiteurs sur le week-end). À ce moment-là, je ne savais même pas vraiment ce que j’allais vendre, mais ça ne m’inquiétais vraiment pas, car les idées, ce n’est pas ce qui me manque ! Pour ce premier marché de Noël, j’ai créé en abondance en partant un peu dans tous les sens, j’avais fait des bougeoirs, des cartes, de la déco de table, des jarres illuminées et bien sûr des cloches, mais en petit format. C’était beaucoup trop et j’ai fait beaucoup d’erreurs sur ce stand, mais si je pouvais remonter dans le temps, je ne changerais rien, car j’ai appris énormément.

L’année suivante, j’ai réussi à canaliser ma créativité en me concentrant sur les cloches, car c’était ce que j’avais le plus de plaisir à faire et aussi parce que je ne voyais pas vraiment d’équivalent ailleurs. Lors de ce second marché de Noël, ma voisine de stand a craqué sur mes créations et il se trouve qu’elle faisait partie d’une association qui montait une boutique éphémère chaque année dans la ville de Chalon-sur-Saône. Elle a proposé ma candidature et quelques mois plus tard, mes créations se sont retrouvées sur les étagères de la boutique éphémère édition 2018. J’étais déjà sur un nuage de vivre cette expérience, mais quand les trois quarts de mon stock sont partis au bout du premier mois, je n’en revenais pas ! De là, je me suis dit qu’il fallait que j’explore plus attentivement cette voie (voix) de créatrice. J’ai redéfini mes prix pour être plus juste avec mon travail, j’ai fait plus de marchés, plus de collaboration en boutique et j’ai monté mon site Internet.

Comment te définis-tu en tant qu’artiste ? Parles-nous de ton univers

Je reste encore surprise lorsque l’on utilise le terme « artiste » pour me désigner. Je suppose que j’ai encore en tête une vision plutôt élitiste où un artiste ne peut être qu’une personne qui expose dans de grandes galeries d’art. C’est assez ringard comme vision cela dit je suis plus à l’aise avec le terme de créatrice. Pour ce qui est de mon univers, il s’agit plutôt de « mes univers ». Il y a des thématiques qui reviennent, mais j’aime vraiment suivre mon inspiration et mes envies. Rester dans le concept de mise en scène sous cloche de verre, c’est déjà beaucoup me canaliser, alors pour le contenu, je n’ai pas envie de me restreindre à une seule thématique. Je peux avoir envie de fées rêveuses en papier ivoire et le lendemain avoir besoin d’une bonne brassée de fleurs multicolore. Créer une envolée d’hirondelles blanches très épurée et parfois mettre en scène une énorme nuée de papillons qui semblent n’être contenus que par le verre autour.

Cloche

Tu peux nous en dire davantage sur tes matières de prédilection et tes techniques de travail ?

Au tout début, lors de mon fameux premier marché de Noël, parmi ce que je proposais, il y avait des jarres illuminées avec de petites figurines au fond. Cela avait un rendu très sympa et c’est ce que j’ai le plus vendu. Et pourtant quand je me suis dit qu’il valait mieux pour moi partir dans un seul type de produit, ça ne m’a pas tenté d’en refaire. J’ai finalement compris que ce qui me dérangeait et c’était les matières. Aussi jolies qu’elles pussent être, les figurines étaient en plastiques et ça ne me plaisait pas. J’aime travailler avec des matières naturelles et sous mes cloches il n’y a que du papier et parfois du bois et du fil de fer. De plus, le papier peut prendre presque toutes les formes, je ne suis donc pas contrainte par une forme définie et je peux laisser libre cours à mon imagination. Pour ce qui est de ma technique de travail, même s’il m’arrive de faire des découpes à la main, j’utilise principalement deux machines. La première est une SIZZIX Big Shot, une presse de découpe qui fonctionne avec des matrices toutes faites. Si cela peut être limitant, ce qui est intéressant en revanche avec ces matrices, c’est qu’elles offrent parfois des reliefs qui donne une dimension supplémentaire à la découpe. La seconde est une machine de découpe Scan N’Cut qui fonctionne un peu comme une imprimante, mais au lieu d’imprimer, elle découpe. Son utilisation prend plus de temps, car je dois travailler la silhouette sur ordinateur avant de passer à la découpe, mais elle m’offre beaucoup plus de possibilités.

En ce qui concerne les papiers, tout comme mes thématiques, ils varient en fonction de mon inspiration et de ce qui va s’accorder le mieux avec le contenu. Pour les contes, ce sera presque systématiquement une déco de type « page de livre ». Au début, j’utilisais de vieux livres abîmés, mais cela me frustrait de ne pas coller à la thématique et je ne me voyais pas acheter un livre du Petit Prince, par exemple, pour en arracher quelques pages. Du coup, je me suis mise à imprimer les textes de mon choix et avec de l’encre je donne au papier cet aspect un peu vieilli et comme ça, aucun livre n’est maltraité ! Concernant les types de papier, mon préféré est « L’éclat d’or » de G. Lalo. C’est un papier recyclé, sans acide, de couleur ivoire, parsemé très légèrement de petits éclats dorés. Il donne aux silhouettes un fini très élégant je trouve et j’en suis tellement fan que j’ai réalisé de nombreuses créations avec ce papier uniquement sans aucun ajout de couleurs.

De l’idée à la réalisation, tu nous expliques ton processus de création ?

Là encore, je n’ai pas qu’un seul processus, mais une chose est sûre : je suis trèèèèès lente à la création, car j’ai besoin de beaucoup de temps pour laisser infuser mes idées. Il m’arrive de commencer une création, puis de la mettre de côté, parfois plusieurs mois parce que je trouve qu’il manque quelque chose ou qu’un élément n’est pas à sa place. Et puis un jour je vais rajouter un tout petit truc ou repositionner une pièce et ça y est, elle est terminée ! Dans le même ordre d’idée, je peux avoir l’idée d’une création, mais laisser passer les mois parce que « ce n’est pas le moment de l’accouchement ». Bon là je reconnais que c’est extrême et heureusement, ce n’est pas mon processus pour la majorité de mes créations. Souvent, la réalisation finale ne correspond pas à ce que j’avais en tête au départ. Parce que le rendu est trop chargé, ou pas assez, que l’occupation de l’espace est mauvaise ou pour plein d’autres raisons ! Pour l’anecdote, un jour, j’avais eu une idée de réalisation avec entre autres un papier en forme de dôme. Je l’ai réalisé et une fois découpé et mis en place on aurait dit une pierre tombale ! (Et non ce n’était pas du tout la thématique !). Par conséquent, je passe beaucoup de temps à faire des prototypes.

Au départ, je découpe très grossièrement, parfois même j’utilise d’autres objets, j’essaye plusieurs sortes de papiers, différents grammages, etc. Puis quand j’ai trouvé un élément qui me plait, je crée encore un prototype, mais plus précis et ainsi de suite jusqu’à être satisfaite de la taille des éléments, de leurs positionnements, du volume, des couleurs, de la solidité et bien sûr du rendu général. Pour certaines créations, ça marche tout de suite (mais c’est malheureusement assez rare). Mon pêcheur d’étoiles en fait parti, il est exactement comme je l’avais en tête. Enfin, pour les réalisations contenant une branche de bois, je commence par fixer la branche et presque systématiquement, c’est sa forme et son allure qui vont m’inspirer telle ou telle mise en scène. Ce sont dans ces créations-là que je ressens le plus le sentiment qu’elles ont leur propre vie, j’adore travailler avec ces morceaux de bois pour cette raison et parce que ces cloches sont vraiment uniques.

Quelles sont tes principales sources d’inspiration ?

Les contes classiques sont une grande source d’inspiration, comme « Le Petit Prince » ou « Cendrillon », mais cela peut être un film aussi, comme « Là-haut » ou un roman que j’adore. Une matrice de découpe peut m’inspirer, mais aussi un dessin, un roman, ma Bourgogne ou encore tout simplement mon état émotionnel, un besoin de liberté ou de rêve… L’inspiration est aussi variée qu’elle est omniprésente.

Parle-nous de tes projets à venir

En fait, il s’agira plutôt d’un ralentissement d’activité. C’est une activité passion, et j’aime prendre le temps de laisser infuser mes idées, j’aime que mes créations reflètent un morceau de moi, même lorsqu’elles se basent sur quelque chose de connu. Et parce que j’aime vraiment ce que je fais, je veux lui garder ce côté passion sans me sentir obligée de créer « à la chaîne » dans un souci de rentabilité. À côté de cela, l’aquarelle est une passion qui est de plus en plus présente dans ma vie. Il n’est pas exclu que je développe cette nouvelle branche si j’estime être capable de produire un travail de qualité via ce médium.

Cloche

Qu’est-ce qui fait la particularité de tes créations ?

Bonne question. Je pense que la particularité de mes créations tient au fait qu’elles sont éclectiques et qu’elles peuvent rejoindre différents univers, que ce soit les contes de fées, les films, la nature… On peut y retrouver des personnages magiques comme les fées, mais aussi des éléments plus terre à terre comme une bibliothèque avec des livres ou bien des animaux, les thématiques sont infinies… Mes créations vont aussi bien trouver leur place dans une chambre d’enfant avec « le pêcheur d’étoile », mais aussi dans une maison au bord de mer avec « Prendre le large » ou encore dans une cave de dégustation de vin avec « Philosophie Bourguignonne » par exemple.

Quel objet insolite pourrait-on trouver dans ton atelier ?

Là, j’avoue que je donne ma langue au chat ! J’ai cherché, mais je n’ai pas trouvé d’objet qui me semble vraiment inhabituel ou original. À la rigueur, ce n’est pas vraiment insolite, mais un objet que je n’emploie pas dans son usage premier, ce sont les pinces à linge ! En fait, elles me servent essentiellement à maintenir en place mes éléments lors du séchage. Parfois, cela ressemble même à un sacré château de cartes et personne n’a plus le droit de venir respirer près de mon bureau ! !

Petit défi ☺ : 3 mots pour décrire ou définir vos créations

Du coup, j’ai posé la question à mes abonnés Instagram et voilà ce qui en est ressorti :

  • Rêve
  • Délicatesse
  • Poésie

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