Eugène Griotte et la céramique délicate

Comment es-tu devenue créatrice ? Quel est ton parcours ?

Ma formation a débuté aux Beaux-Arts de Paris. Avec une approche de la sculpture centrée sur les techniques et les comportements des matériaux. J’y ai abordé la céramique, le bois, le métal. Pendant quatre ans, j’ ai modelé, forgé et martelé .

Ma formation a été complétée par une année à l’école nationale d’art de Limoges. Le post-diplôme Kaolin propose une professionnalisation de jeunes artistes et designer parrainés par un/e artiste.

Dans mon cas, j’ai eu le plaisir de travailler avec Michel Gouéry pendant un an. Pendant deux mois j’ai résidé à Jingdezhen, une des capitales de la porcelaine chinoise. C’était un des voyages les plus marquants de ma courte existence. Niveau technique, social et culturel, c’était un réel apprentissage.

Suite à cela, je suis retournée à Limoges puis à Paris. J’ai continué sur cette lancée avec en poche un précieux bagage. Celui de savoir travailler ce matériau très particulier qu’est la porcelaine.

J’ai continué ma production de sculptures par assemblage, en jouant avec les limites de ce matériau. Il m’a donné doucement l’envie de développer des modèles utilitaires, des bijoux.

J’ai déposé ma marque Eugène Griotte qui porte une partie de mes valeurs. Elle est dans la continuité de ces recherches plastiques.

Comment te définis-tu en tant qu’artiste ? Parle-nous de l’univers d’Eugène Griotte.

L’univers d’Eugène Griotte est fait de collaborations et participation de différents acteurs. Il se situe entre un côté un peu vieux jeu d’objets anciens, et une utilisation revisitée de ces formes désuètes. Je n’en garde que l’aspect confortable et caressant du souvenir. Enfin, je leur donne un coup de propre.

Mon atelier est intégré à une structure collective fondée en 2016, Le Houloc. Ce lieu compte beaucoup dans la constitution de mon univers d’artiste. Je suis entourée de gens avec qui j’ai plaisir à travailler.

Tu peux nous en dire davantage sur tes matières de prédilection et tes techniques de travail ?  

Avant tout, la porcelaine, bien sûr. Ce matériau me passionne. Il est complexe et évolue entre beaucoup de notions contraires. Se travaillant comme une terre, il a plutôt l’aspect d’un marbre.

Autant associé à un travail artisanal qu’aux technologies industrielles de pointe. Réputé pour sa finesse et sa fragilité, il est extrêmement dur (presqu’autant que le diamant).

Il est très exigeant et rappelle à chaque instant son utilisateur à une forme de modestie. Bien qu’il permette des prouesses de douceur, de finesse et d’élégance. Une tradition de l’objet très marquée par les biscuits de porcelaine, l’art de la table…

Et j’aime le défi que cela représente de penser de nouvelles formes dans cet univers.

De l’idée à la réalisation, tu nous expliques ton processus de création ?

C’est en partie par accident que de nouvelles formes arrivent. Un reste sur un coin de table, une chute de plâtre, le négatif d’une découpe…

Ces formes aléatoires ont une sorte de justesse et d’équilibre. Souvent, cette idée de bout de table croise une autre piste. Ca peut être l’envie de créer un objet ressemblant à un objet ancien. Ou qui pourrait donner lieu à tel geste, telle pratique …

Une fois le principe de la forme repéré, beaucoup de travail est fait pour sortir une oeuvre valable et utilisable. D’abord, cela passe par un prototype, des essais, puis des moules et du coulage. Si besoin, une collaboration pour les parties associées qui ne sont pas en porcelaine.

Quelles sont les principales sources d’inspiration d’Eugène Griotte?

Tout ce qui a déjà été fait, et qui ne demande qu’à revivre sous une autre forme. L’histoire des techniques et l’ingéniosité des anciens. Le patrimoine industriel et le travail des matériaux. La vie des gens …

Parle-nous de tes projets à venir

Continuer de créer…

Qu’est-ce qui fait la particularité de tes créations ?

Des formes simples et géométriques. Un brin décalées par une référence discrète. Un détournement de matière ou d’objet… Une réflexion en arrière plan sur les habitudes face aux objets. Par exemple, je trouve le service par chiffres paires un peu trop déterminante.

Egalement, j’aime que le côté précieux de la porcelaine donne naissance à des objets que l’on a envie de choyer. Que l’on a plaisir à avoir, et pour longtemps.

David Ha m’accompagne sur le travail graphique, qui participe énormément à leur identité. 

 Quel objet insolite pourrait-on trouver dans ton atelier ? 

Une table de travail suspendue, un cerf-volant d’après un plan de 1911 …

Petit défi : 3 mots pour décrire ou définir vos créations

Géométrie, rêverie, détournement

Crédit photo : Mélissa Boucher

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